Pages

mercredi 15 janvier 2020

BAISSE DU PRIX DES LOYERS À DAKAR : LES OBSTACLES À L'EFFECTIVITÉ DE LA RÉFORME

Des immeubles à Dakar
« Elle ne sert à rien, puisqu’elle ne règle rien » se désole Malang Seck, faisant allusion à la loi portant sur la baisse des prix du loyer promulguée le 22 janvier 2014. Cet habitant de grand-Yoff au quartier Arafat ne sent pas l’impact de la loi. Pourtant celle-ci avait été accueillie par les ménages, à l’époque, comme un énorme soulagement. Cinq ans après elle peine à porter ses fruits de l’avis des locataires. À Fass, Djibril Dionne continue de payer 200 000 francs Cfa, la même somme qu’il payait avant le vote et l’application de ladite loi. Il vit avec sa femme, ses deux enfants et sa belle-sœur dans un appartement de deux chambres salon. Un logement moyen standing dont le prix devait être revu à la baisse de 14% si l’on applique la fameuse loi de 2014. « Le bailleur devait diminuer de 14% le prix du loyer mais il a maintenu le prix. Craignant de perdre mon appartement, celui que j’ai depuis des années, je n’ai rien pu faire si ce n’est me résigner. Il y a également le fait que mes enfants se sont habitués à ce quartier et un déménagement aurait causé énormément de désagréments », argue Djibril Dionne, les traits tirés. Et pourtant un bailleur établi à Thiaroye confie avoir appliqué les nouvelles mesures. « Nous avons diminué les prix après la promulgation de la loi, même si cela ne nous arrange pas. Il faut savoir que cette loi ne prend pas en compte les intérêts du bailleur. Ce qui est inacceptable ! », déclare Mouhamadou Dieng, l’un des rares bailleurs à se prononcer sur le sujet.
Le logement a toujours été un casse-tête pour bon nombre de Sénégalais établis à Dakar. La capitale abritant la plupart des entreprises et offrant beaucoup d’opportunités, beaucoup de personnes quittent les régions pour y venir. Cependant vivre à Dakar n’est pas chose aisée, car tout le monde n‘y possède pas sa propre maison et les familles d’accueil sont souvent surpeuplées.
En 2012, la direction des statistiques économiques et de la comptabilité nationale de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie a produit une étude monographique sur les services immobiliers du logement à Dakar. Cette étude montre que 51,6% des chefs de ménages sont des locataires, 42,1% des propriétaires et 6,3% sont logés gratuitement. Une statistique révélatrice du nombre important des locataires dans la capitale sénégalaise. « Il y a eu une inflation à partir des années 2000 et donc une montée vertigineuse des prix du loyer au Sénégal, plus particulièrement à Dakar. Le plus petit appartement dans Dakar pouvait coûter plus de 150 000 francs Cfa. Imaginez dans les zones du Plateau et de la Médina, un locataire pouvait avoir une chambre simple à 80 000 francs CFA voire 100 000 francs CFA. C’était exagéré ! C’est à partir de cet instant que les gens ont commencé à se plaindre parce qu’une bonne partie des budgets des goorgorlu sénégalais étaient consacrés au paiement du loyer », explique Élimane Sall, président de l’Association pour la Défense des Locataires du Sénégal (ADLS) créée depuis 2009. Celle-ci a pour objectif d’apporter des conseils et des orientations aux locataires à condition que ces derniers soient en règle, c’est-à-dire s’acquitter régulièrement de leur loyer.
Par ailleurs, les résultats de l’étude de la direction des statistiques économiques et de la comptabilité nationale de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) sur les services immobiliers du logement à Dakar montrent que les ménages consacrent une grande part de leurs revenus au paiement de leur loyer. Ainsi, les ménages les plus pauvres y consacrent plus de 34% de leurs revenus contre 22,4% pour les ménages les plus riches. Et parmi les ménages qui ont les revenus les plus modestes, 40,2% consacrent au moins 35% de leurs revenus à la charge locative.