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mercredi 29 juin 2016

AU COEUR DE L'ETHNIE



Jean-Loup Amselle et Ellkia M’Bokolo                                                         
 Au cœur de l’ethnie                                                                                            
Ethnie, tribalisme et Etat en Afrique
PRESENTATION DE L’ŒUVRE ET DE SON CONTENU
.Au cœur de l’ethnie, est un ouvrage qui traite de la notion d’ethnie, comment  l’ethnie est conçue par certains anthropologues pour ne pas dire ‘’les’’ anthropologues. Dans le chapitre intitulé Ethnies et espaces : pour une anthropologie topologique, Amselle critique l'anthropologie. Pour lui l’anthropologie s’est formée sur la base du rejet de l’histoire  et que ce rejet s’est depuis lors maintenue. Les anthropologues ont parlé de l’ethnie en faisant fi de son aspect historique, ne parlant de l’ethnie comme étant une entité que l’on trouve là, déjà toute faite. Ce qui totalement faux selon Amselle.
Jean-Loup Amselle et Elikia Mbokolo à travers cet ouvrage, montrent et démontrent par des études monographiques que l’ethnie est une pure création, une création coloniale. En effet l’ouvrage est en quelque sorte une compilation de textes d’auteurs différents tels que Jean-Loup Amselle, Jean-Pierre Dozon, Jean Bazin, Jean- Pierre Chrétien, Claudine Vidal et Elikia M’Bokolo, traitant de la notion ethnique dans différents pays. Et tout au long de l’ouvrage on essaie de montrer comment avec la colonisation la notion d’ethnie’’ a été créé de toute pièce par les colonisateurs.
Alors l’objectif de Au cœur de l’ethnie est de renforcer un processus de déconstruction de l’objet ethnique. Le processus de décolonisation commence avec Nadel dès 1942, il faut ensuite attendre P. Mercier, J. Lombard, et F. Barth pour que la percee théorique de Nadel soit approfondie, enfin c’est avec Watson, élève de M. Glauckman que s’est produite la véritable rupture avec l’ethnologie coloniale.
L’ethnie comme de nombreuses institutions primitives, ne serait qu’un faux archaïsme de plus. Mais s’il n’existait pas d’ethnies avant la colonisation qu’y avait-il donc ? Dans quel cadre les acteurs sociaux s’organisaient-ils ? pour répondre à ces questions Amselle avance que le continent africain était structurait en des espaces sociaux comme suit : Il s’agit : des espaces d’échanges ; des espaces étatiques, politiques et guerriers,  des espaces linguistiques, des espaces culturels et religieux.
En effet durant la période précoloniale et même bien avant (XVe) l’arrivée des portugais les sociétés africaines ne vivait pas recluse sur elle-même. Il y avait des échanges entre les sociétés. On retrouvait également des réseaux d’échanges entre unités sociales de tailles et de structures diverses.
Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire de l’Afrique, on retrouve des Etats, des royaumes, et des empires qui pouvaient regrouper milliers ou dizaines de milliers de villages et qui s’étendaient parfois sur des superficies considérables. (L’empire Songhay, par exemple). Il y avait des processus de composition, de décomposition et de recomposition qui se déroulent à l’intérieur d’un espace continental. Des ‘’sociétés englobantes’’ c’est-à-dire  les Etats, royaumes, empire et chefferies, qui possèdent la capacité maximale de délimitation de l’espace. Ces Etats exercent une forte pression sur les ‘’sociétés englobées’’ (sociétés d’agriculteurs), et favorisent les divisions en leur sein, accentuant ainsi leur caractère ‘’segmentaire’’.
Dans le texte de Jean-Pierre Dozon intitulé Les Bété : une création coloniale, traite de l’organisation des structures sociales de la Cote d’Ivoire durant les périodes précoloniale et coloniale. Dozon, à travers des investigations, prouve que les bété en tant ‘’ethnie’’,  est une création coloniale. En Côte d’Ivoire  on note principalement deux grands groupes ‘’ethniques’’ les Akan qui seraient originaires du Ghana, exactement de l’ancien royaume Ashanti, composé de (Baoulé, Agni etc.) et les Krou (Bété, Wobé, Dida, Guéré). En effet ce sont Maurice Delafosse, administrateur colonial français, ethnologue, linguiste et M. Thonmann,  qui ont théorisé l’ethnicité bété entre 1901-1904. Selon eux les Bété viendraient du Liberia et à la suite de migrations, ils se seraient installés dans le Centre-Ouest de la Cote d’Ivoire. Mais des investigations menées chez les trois grands groupes que composent l’ethnie Bété appelé communément ‘’Bété de Gagnoa’’, attestent que les intéressés ignoraient ce désignatif avant la période coloniale. Les Bété eux-mêmes disent qu’ils viennent du nord, de l’Oust, et de l’est de la Cote d’Ivoire. Les Akan considèrent les Bété comme étant un peuple belliqueux, qui n’aime pas l’agriculture. Et même durant la phase de conquête et de pacification qui s’est déroulée sur cinq ans (1907-1912), les responsables militaires affirment que la découverte du peuple Bété ne s’appuie sur aucune  connaissance antérieure, mais qu’en outre ce pays est peuplé de groupes distincts méritant chacun un vocable particulier.
Dès les débuts de l’installation française chez les Bété, un désarmement général des populations est effectué. Le pays Bété est entièrement pacifié et forme trois grands postes. Dans leur esprit, il s’agit de créer un nouvel espace qui soit aisément contrôlable et qui permette à terme sa mise en valeur économique. On leur imposait de payer des impôts, de s’adonner à des activités qu’ils n’avaient pas l’habitude de faire comme la culture du cola. Ce dispositif coloniale s’est heurté à des résistances de la part des Bété, et a poussé une partie importante de la population bété à migrer vers la Basse Cote (Grand-Lahou et Grand Bassam) ou se trouvent les Akan constitués de Baoulé et de Agni. La Basse Cote une zone d’attraction pour la présence des principaux centres urbains. En effet les Bété auront du mal à s’intégrer, les jeunes migrants découvrent une contrée ou la colonisation a largement amorcé son œuvre. Comme conséquences ils sont confrontés à une réalité qui les place d’emblée au bas de l’échelle sociale et les confine durablement au rôle de manœuvre ou de subalterne. C’est sur cette base que se dessinent les rudiments d’un stéréotype et d’une conscience ethnique. Les bété ne sont pas présents dans les affaires politiques. Et en retour leurs terres sont exploitées par les allochtones.
CRITIQUE DE L’OEUVRE
Au cœur de l’ethnie est un ouvrage qui permet aux africains d’être conscients des notions d’ethnie et de tout ce qu’on dit à propos de l’ethnie. Comment comprendre que durant la période précoloniale on ne parlait pas d’ethnie en Afrique et qu’il faut attendre la période coloniale pour nous en parler. Ce qui m’a le plus marqué c’est qu’un européen ait écrit pour défendre une Afrique qui semble inconsciente des  conséquences qui peuvent decouler de l’objet ethnique. 
D’ailleurs Jean-Loup Amselle auteur principal de l’œuvre, dans son article De la déconstruction  de l’ethnie au branchement des cultures : un itinéraire intellectuel par Jean-Loup Amselle dit : ‘’ […], aucune des sociétés que j’ai étudiées sur le terrain ne m’a semblé correspondre à ce qu’e l’on nous avait enseigné sur les bancs de l’université. On nous avait parlé des dogons, des nuers, et des tallensis, de sociétés sans Etats et de  sociétés a Etats, du polythéisme et de l’islam, de l’oral et de l’écrit. Or aucune de ces catégories et aucune de ces oppositions binaires ne me semblait rendre compte de façon permanente de la fluidité sociale et historique de la région où je menai des enquêtes. Au lieu d’ethnies repliées sur elles-mêmes, de systèmes politiques et d’appréhension du monde bien délimités, je me trouvai confronté à des systèmes hybrides et à ce que j’ai appelé des ‘’logiques métisses’’. Pour moi, comme pour certains collègues, le choc fut rude car il fallait penser’ ’contre’’ et trouver d’autres paradigmes, situation qui, comme on sait, n’est pas toujours confortable, l’université favorisant la reproduction des modelés prévalent ou au mieux un écart réglé par rapport à ceux-ci.’’
‘’Je peux comparer légitimement les cultures peuls, bambaras, malinké, senufo et minyanka parce qu’elles sont historiquement liées, mais je peux difficilement comparer, fut-ce sous l’angle de leurs différence, la culture française a la culture bambara puisque, avant la colonisation, elles n’ont jamais entretenu de rapports. ‘’

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